De l’époque coloniale subsiste une ligne de chemin de fer, si
l’on entend par ligne une succession de rails ondulés, disjoints. Trop
aléatoire pour permettre le transport de voyageurs, elle est tout de même
utilisée pour celui de marchandises comme le riz. La faible allure et la rareté
des tortillards qui empruntent la voie unique a permis le développement d’un
autre mode de transport : le lorry, ici appelé bamboo train. Une simple
plate-forme en bambou est posée sur deux essieux de train et un moteur léger
entraîne l’ensemble par l’entremise d’une courroie reliée à l’essieu arrière.
L’ensemble peut être démonté en quelques secondes et déposé sur le côté en cas
de croisement avec un autre bamboo train ou un vrai train.
L’ancienne petite gare de Battambang, perdue dans la
campagne, permet aux touristes d’embarquer à bord de ces trains pas comme les autres pour un aller-retour de quelques
kilomètres. Nous embarquons tôt pour éviter les rayons du soleil. Assis tous
les cinq sur la petite plate-forme de bambou, le conducteur derrière nous, nous
quittons la gare dans un grand fracas d’essieux. Très vite nous prenons de la
vitesse. Flottant à quelques centimètres au-dessus des rails, encadrés par les
herbes et les buissons, nous semblons foncer dans la campagne, au-dessus des
rizières. L’euphorie nous gagne, la sensation est unique d’être ainsi en prise
directe avec la vitesse. S’il n’y avait le claquement régulier des essieux sur
les mauvaises jointures des rails on pourrait se croire Aladin sur un tapis
volant. Fugitivement, nous croisons quelques visages souriants de Cambodgiens
aux champs. Vingt minutes plus tard, notre monture ralentit pour s’arrêter aux
abords d’un petit village où les bambous trains qui nous ont précédés gisent
ici et là en pièces détachées. Nous démontons à notre tour. Nous profitons de
la halte pour rencontrer quelques Cambodgiens, dont un très jeune guide parlant
un excellent français, appris en 4 ans à l’école, puis au contact des
touristes. Encore une fois nous sommes épatés par leur aptitude à
l’apprentissage des langues étrangères. Nous avions fait la même constatation
au Laos. Est-ce une disposition naturelle ou bien leur volonté de s’en sortir,
le tourisme apparaissant bien souvent comme la seule possibilité ?
L’heure du retour a sonné, nous remontons notre embarcation
et appareillons rapidement. Nous flottons à nouveau sur la mer de rizières. Cette
fois-ci nous croisons d’autres bamboo trains qui, suivant quelques obscures
règles de préséance, doivent démonter pour nous laisser passer. C’est sans
encombres et le sourire scotché aux lèvres que nous retrouvons notre port d’attache.
Heureux comme Ulysse, nous avons fait un beau voyage.
J'ai tout cassé !
Le T-shirt qui fait peur.
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