3h30 du matin. Boum, Boum, Tchac, Boum, Boum, Tchac…Je suis
réveillé par de sourdes vibrations. L’hôtel entier semble pris d’un rythme lent
et régulier. J’échafaude des hypothèses : un marteau pilon a été installé
dans le hall ou bien ce sont les répliques d’un séisme, ou encore le
« beat » d’une rave party lointaine. Boum, Boum, Tchac…Je sors sur la
terrasse. C’est la ville entière qui semble prise de ce rythme. J’en identifie
l’épicentre dans un temple que j’aperçois à quelques rues de là. Une heure
durant cette vibration pulse, infiltrée dans le macadam et dans les murs. Boum,
Boum, Tchac…
Nous en avons l’explication le lendemain matin en menant
notre petite enquête auprès des moines
de ce temple : comme à chaque pleine lune, leur prière nocturne est
relayée et amplifiée par des micros et de grosses enceintes. Des tambours et
des gongs gigantesques se répondent pour accompagner la prière et le défilé des
moines autour du temple. Boum, Boum, Tchac…
Le rouge et l’or des temples et des stupas, le safran des
robes des bonzes, nous sommes bien arrivés au cœur du bouddhisme theravada qui
imprègne les sociétés de l’Asie du Sud-Est. Ici, comme au Cambodge, en
Thaïlande ou en Birmanie, la vie s’organise autour des monastères où tous les
hommes sont appelés à vivre un temps le noviciat, voire l’état de moine, avant
de revenir « dans le siècle ». Dans la grande roue des réincarnations
successives, dans le moyeu de laquelle s’anéantissent toutes peines et toutes
souffrances, les bonzes jouent un rôle essentiel, sacré : par leurs
prières, par les offrandes qui leur sont faites au cours de leurs processions
matinales dans les rues, ils véhiculent les mérites qui sanctifient la société dans son ensemble et donnent à chacun une chance de
mieux se réincarner, voire d’atteindre le Nirvana, le non-être, la
non-souffrance.
Pourquoi n’avions-nous pas ressenti ça au Vietnam, pays
bouddhiste pourtant ? Y a-t-il une spécificité religieuse (culturelle,
philosophique ?) du Vietnam au sein des pays d’Asie du Sud-Est ? Nous
nous sommes posé la question.
Premier indice : ici (au Laos), les petits autels
personnels que l’on trouve à l’entrée de chaque maison sont emplis de bouddhas
et de divinités hindoues ; là-bas (au Vietnam), les mêmes petits autels
contiennent un bouddha et un seigneur à la longue barbiche blanche.
Deuxième indice : ici, les bouddhas sont fins,
recueillis, en méditation ; là-bas, les bouddhas sont rebondis et rieurs,
bon-vivants.
Troisième indice : ici les temples sont emplis de
bouddhas ; là-bas, il y a les temples bouddhistes bien-entendu, mais
surtout les temples taoïstes dédiés au seigneur du ciel, à l’empereur de jade,
etc…, entourés de leurs suites et de démons grimaçants.
Quatrième indice : ici on vénère les saints bouddhistes, les illuminés qui
nous montrent la voie ; là-bas on pratique le culte des ancêtres, on
dialogue avec eux avant de prendre des décisions importantes.
Cinquième indice : ici, l’idée de possession est vaine,
on partage tout jusqu’à son verre ; là-bas, la réussite et ses signes
extérieurs sont importants.
…
Taoïsme, culte des ancêtres, valeurs sociétales du
confucianisme, ces piliers de la société vietnamienne que l’on ne retrouve pas
ici sont celles…de la Chine,
qui y exerce depuis de nombreux siècles son influence.
Un bouddhisme « pur » est ici observé, alors que
là-bas religion et philosophie se mêlent dans un joyeux syncrétisme, à l’image
de ce Bouddha rieur.
Nous avons changé de monde.
Assemblée de bouddhas laos
Le Happy Bouddha vietnamien (région de Dalat)
Quelques moines à Luang Prabang
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